Le Cercle d’Études Numismatiques (CEN)


Le Cercle d’Études Numismatiques est né le 1er janvier 1964. À l’initiative du regretté Pierre Magain, une dizaine de numismates parmi lesquels J. Lallemand et M. Thirion, tous deux attachés au Cabinet des Médailles, se réunirent « pour examiner la situation numismatique à Bruxelles.

De cet examen, il ressort que l’activité des sociétés existantes ne crée pas, à Bruxelles, un milieu favorable à la formation numismatique de leurs membres et que le mécontentement croissant des numismates est, par conséquent, justifié » (BCEN, vol.1/1, avril 1964, p. 1). Le CEN se voulait clairement une alternative à l’académisme de la Société Royale Belge de Numismatique, encore fortement imprégnée du dogmatisme de l’entre-deux guerres.

Marcel Thirion

Toutefois, la nouvelle association ne s’est jamais positionnée comme une franche opposition à la vénérable société savante. Au contraire, s’inscrivant dans un contexte d’« éducation permanente » et de développement de la culture à tous les niveaux (les universités du troisième âge, par exemple), un phénomène typique des années 60, les fondateurs du CEN s’étaient fixé comme objectif la formation des numismates débutants – quel que soit leur âge, du reste ‒ afin de les préparer à participer aux travaux de la Société Royale. Il est symptomatique de relever que dès le 14 décembre 1965 fut créée « une section du CEN réservée uniquement aux jeunes », disposant de sa propre publication mensuelle (les Jeunesses Numismatiques) dont l’édition s’est poursuivie pendant plusieurs années.

L’évolution du CEN « ancienne mouture » est perceptible grâce aux titres des articles publiés dans le Bulletin, et dans le nombre de pages consacrées à chacun d’eux. De la vulgarisation, résumant systématiquement les séances de travail effectuées autour d’une table (d’où le nom de « Cercle ») aux analyses beaucoup plus fouillées qui apparaissent dans les années 80 et 90, l’évolution est extrêmement sensible.

Marc Barc

L’apport de Marc Bar, qui présida le Cercle durant plus de deux décennies, fut déterminant. On aurait pu craindre, de par sa formation classique, qu’il se cantonnât dans les aspects purement historiques et philologiques, voire esthétiques, de la monnaie.

Au contraire, il prit rapidement une direction résolument moderne (études de surfrappes et de contremarques dans le monnayage grec, d’iconographie, de linguistique celtique, de la circulation des monnaies grecques en Occident), en accordant une place croissante à la quantification.

Inconsciemment, il poussa d’autres numismates dans cette direction nouvelle de la recherche.

Marc Barc,  Régis RENARD (président du Cercle numismatique de Bruxelles), Rudy Dillen ( président de Numismatica Herentals), J.-M. Doyen et J.-C. Thiry.

Mais les temps ont changé…

L’émergence des techniques de la quantification appliquées aux sciences humaines a profondément modifié notre approche du phénomène monétaire. À côté de la numismatique « descriptive » traditionnelle ‒ interprétation de types monétaires, publications d’inédits, élaboration de corpus thématiques – s’est développée l’étude des phénomènes plus économiques, comme l’estimation des quantités métalliques émises, ou encore l’impact des émissions nouvelles sur la masse monétaire en circulation. Les centres d’intérêt se sont donc partiellement déplacés, et notre société se devait non seulement de suivre le mouvement, mais si possible d’innover.

L’arrivée de Jean-Marc Doyen à la direction du CEN en juin 2009 fut l’occasion de plusieurs réformes importantes qui ont été poursuivies par le président actuel, Jean-Claude Thiry. L’une, financière, était destinée à assurer la pérennité de notre société. L’autre fut la disparition, malheureusement inévitable, des réunions mensuelles. Un accord alors passé avec notre « grande sœur » permet désormais aux membres du CEN d’assister aux conférences mensuelles de la SRNB.

Jean-Marc Doyen

La troisième modification, qui nous engage pour l’avenir, a été le changement partiel d’identité du CEN, sigle auquel s’est ajouté, en septembre 2010, le déterminatif bilingue de Centre Européen d’Études Numismatiques / European Center for Numismatic Studies.  Le changement de nom ne correspond pas à un désir de faire table rase d’un passé fort honorable, mais bien de mettre en adéquation l’intitulé et le contenu. Du fait de la disparition des séances mensuelles (dont, notons-le au passage, l’aspect « circulaire » de mise en commun des connaissances avait depuis longtemps disparu), le CEN se trouvait réduit à une simple publication sans caractère spécifique particulier. Afin de garder un crédit auprès de la communauté scientifique, une mutation rapide s’avérait nécessaire.


Nos organes de diffusion

Les Travaux du Cercle d’Études Numismatiques. Le CEN dispose, depuis 1964, d’une série dédiée à des monographies, intitulée « Travaux du Cercle d’Études Numismatiques », dont le volume 19, le dernier en date, a été publié en 2018. Cette collection au format in-8°, bien diffusée, sera développée selon les centres d’intérêt des lecteurs, en fonction des manuscrits qui nous seront proposés ou dont nous suggérerons la rédaction à nos confrères. L’aspect synthétique a été, et sera encore une constante de la série des Travaux ; nous reporterons en effet les sources analytiques dans la collection des Dossiers.

Les Dossiers du Cercle d’Études Numismatiques. Créés dans le but de publier à peu de frais des documents monétaires volumineux, les Dossiers du Cercle d’Études Numismatiques n’ont été édités qu’à trois reprises seulement. Il nous semble que c’est désormais l’endroit idéal pour placer les inventaires de monnaies de sites, qu’elles soient antiques, médiévales ou modernes.

Le Bulletin du Cercle d’Études Numismatiques. Dès sa fondation en 1964, le Cercle a bénéficié d’un bulletin trimestriel puis quadrimestriel. Simple organe de contact entre les membres à l’origine, et regroupant donc des informations très variées, le BCEN est devenu au fil du temps une revue d’excellent niveau scientifique, très souvent citée dans les recherches de synthèse étant donné la quantité de matériaux inédits qu’elle recèle. Si la langue principale a toujours été le français, nous comptons régulièrement des textes en anglais, en allemand et en néerlandais. À côté de simples notes figurent de nombreux articles parfois majeurs, publiés par de nombreux numismates belges ou étrangers, universitaires, conservateurs de collections publiques ou chercheurs de premier plan. Le créneau choisi demeure celui de la variété méthodologique et chronologique. La nouvelle version du Bulletin du Cercle d’Études Numismatiques sera dédiée plus spécifiquement aux études historiques ou méthodologiques, de type classique, c’est-à-dire portant sur des monnaies abordées en dehors de tout contexte archéologique précis. Les inventaires de monnaies de sites, commentés ou non, seront désormais placés dans des volumes spécifiques des Dossiers. Ce type d’information sera quantitativement et géographiquement développé afin de devenir une référence obligatoire dans ce domaine « porteur ».

Le Journal of Archaeological Numismatics. Les contacts entre numismates et archéologues souffrent depuis toujours d’un certain nombre de difficultés. Elles se manifestent tout d’abord par un problème récurrent de communication : quels types d’informations le numismate peut-il apporter à l’archéologue ? Comment le responsable de la fouille, seul apte à saisir l’enchaînement des faits observés sur le terrain dans le travail de synthèse qu’il a le devoir de transmettre à la communauté scientifique, doit-il interpréter des données pour lesquelles il ne dispose généralement pas de compétences particulières ?

En ce qui concerne l’édition des rapports de fouilles, nous constatons que trop souvent encore, les monnaies sont soit rejetées en fin de volume, dans des annexes un peu fourre-tout que personne ne lit, soit publiées plus en détail dans des revues numismatiques ignorées des archéologues de terrain. Dans ce dernier cas, elles sont non seulement totalement coupées de leur contexte d’origine, mais la clef manque, qui devrait permettre de réattribuer, à chaque sous-ensemble archéologique, les informations topographiques ou chronologiques indispensables à la compréhension des assemblages monétaires.

Bien souvent le travail du numismate, rédigé sans véritable contact avec l’archéologue, est réduit à un simple catalogue où les monnaies figurent dans l’ordre chronologique des dates d’émission. Le commentaire statistique porte généralement sur le numéraire pris dans son ensemble, et non sur chaque sous-ensemble chrono-topographique pourtant spécifique.

Les organes de diffusion traditionnels consacrés à la monnaie sont fort lents, alors que notre domaine évolue très rapidement. Ils sont de plus liés par des contraintes diverses ne leur permettant pas de s’étendre sur les aspects strictement archéologiques comme l’illustration du mobilier métallique ou céramique associé aux monnaies.

De leur côté, les grandes revues archéologiques régionales (souvent difficilement accessibles en bibliothèque) rechignent à consacrer des centaines de pages à un domaine restreint qui intéresse, selon eux, fort peu leur lectorat. Il nous a dès lors semblé utile de créer un nouvel outil qui se veut un forum permettant aux archéologues ouverts à cette problématique, aux numismates et aux spécialistes des autres « disciplines auxiliaires » de se retrouver afin de comparer systématiquement  les données ‒ convergentes ou divergentes ‒  relatives à un même contexte afin de trouver un terrain d’entente, ou montrer que les différentes sources documentaires sont incompatibles dans l’état actuel de la recherche.

Cette mise en commun des informations sous une forme publiée permet aux lecteurs (archéologues, numismates, céramologues, économistes et historiens) d’apprécier le bien-fondé de l’interprétation, puisque l’ensemble des informations sera accessible dans le même texte.

Les deux disciplines (archéologie et numismatique) sont donc placées sur le même pied dans une nouvelle revue intitulée le Journal of Archaeological Numismatics.

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